Témoignage d’une fameuse artiste en résidence!

En 1987, j’ai quitté l’école française de Naples Alexandre Dumas en tant qu’élève. 

Ce mois de février 2020, je suis retournée dans cette même école en tant que médiatrice d’art plastique. L’émotion a été grande.

Depuis 12 ans, je vis à Paris où je travaille entre autres pour le journal Le Monde en tant qu’illustratrice, je suis la directrice artistique et l’illustratrice du magazine Les Petits Amis du Louvre, je suis la conseillère pédagogique de la Société des Amis du Louvre.

J’ai rencontré Madame la Directrice Nathalie Mary-Benies il y a un peu plus d’un an lors de la sortie de mon livre destiné aux enfants « Villa Médicis-l’Académie de France à Rome » et de l’exposition des planches originales au Consulat Français de Naples. Nous avons immédiatement compris que des projets pouvaient naître de cette rencontre. Madame la directrice m’a donc invitée à échanger avec les enseignants de l’école. C’est donc ainsi, dans la générosité et la spontanéité, que les projets que nous avons réalisés pendant ce dernier mois de février ont vu leur début.

Madame Fabienne Navarro, enseignante de CM2, menait depuis plusieurs années un projet de fouilles archéologiques avec les enfants. Le matériel produit au cours des années était incroyablement riche. Madame Navarro rêvait de réaliser un livre écrit par les enfants qui aurait pu témoigner de cette expérience unique et dense. J’avais déjà suivi un projet similaire avec l’école française de Sharjah aux Emirats Arabes Unis avec l’éditeur Gulf Stream. On a donc établi un lien entre la maison d’édition et l’école avec la supervision et la grande bienveillance de Madame la Directrice. Le projet s’est donc inscrit dans le cadre des projets soutenus par l’AEFE (l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger).

Le 10 février, Madame Navarro ainsi que ses élèves m’ont accueillie avec enthousiasme. Mon rôle était celui d’aider les enfants à réaliser les illustrations pour le livre sur les fouilles archéologiques. J’ai partagé avec les élèves mon intention de leur faire utiliser l’acrylique, selon une méthode typique de l’illustration tchèque. Je leur ai demandé tout d’abord de réaliser des fonds avec des grands mouvements horizontaux. Nous avons tout de suite découvert comment on pouvait réaliser un dégradé. 

Pour découvrir le travail des CM2 sur les couleurs et les dégradés 

Les élèves, avec la supervision de leur enseignante, avaient déjà réalisé un texte. Nous l’avons distribué aux différents élèves. Chacun avait son paragraphe, certains partageaient le même texte, le nombre de pages étant inférieur par rapport au nombre d’élèves. Les jeunes illustrateurs ont commencé à réaliser des esquisses aux crayons. Au cours des deux semaines d’atelier, nous avons pu également étudier comment dessiner des mains et comment reproduire une image car certaines illustrations allaient se baser sur des photos. Les élèves ont par la suite transposé leurs esquisses sur les fonds préalablement peints. Il ne leur restait que terminer les illustrations en coloriant à l’acrylique les dessins dans leur totalité. Il faut dire que la classe a pris par moment l’aspect d’une vraie éruption volcanique car faire peindre en même temps 29 élèves n’est pas peu de chose. De mon coté, je me suis sentie comme un chef d’orchestre qui devait faire jouer en même temps tous les différents instruments. Je peux dire que ça a été un vrai bonheur et le son a été très mélodieux pour mes oreilles. Les élèves étaient curieux, généreux, plein d’entrain et d’envie de faire. Ils se sont entraidés, ils ont mis de coté leur égo en pensant à l’importance du résultat final plutôt qu’à souligner la volonté d’affirmer la paternité de leurs propres réalisations. Certain dessins ont été réalisés à plusieurs mains et quand cela arrivait je me sentais fière de cette incroyable classe qui, au delà de tout, il me semble, a vraiment compris le sens du partage dans un atelier d’art. 

Pour découvrir les photos prises pendant les ateliers en CM2

Le projet éditorial de Gulf Stream prévoit l’utilisation de personnages préconçus par une illustratrice. Stéphanie Baronchielli a tenu en compte les souhaits des élèves par rapport au choix des poses des personnages et leur emplacement. Le résultat final est simplement splendide ou, comme les enfants ont pris l’habitude de dire, me l’ayant entendu dire maintes fois, simplement sublime !  Quitter la classe à la fin des de semaines a été un moment de forte émotion pour moi, car les enfants de la classe sont entrés dans mon cœur et encore maintenant je me remémore des moments, des visages, des phrases, des moqueries, et ils me manquent. 

En même temps qu’en classe de CM2, la classe de CE1/CE2 A de Madame Florence Lanzalavi m’a accueillie pour commencer un atelier de fabrication de masques en papier mâché. La classe travaillait déjà sur le thème des comtes de Andersen et des frères Grimm depuis quelques temps. C’était une occasion à saisir ! Nous avons convenu avec Madame Lanzalavi qu’il aurait été intéressant de travailler sur le Petit Chaperon Rouge et sur la symbolique de la peur. Les enfants auraient réalisé leur propre masque de loup. Ils ont commencé par travailler une base en papier journal avec de la colle à papier peint, posée sur une structure de bandeaux de cartons. Ils ont ensuite coloré la base solidifiée avec de la peinture acrylique. Le choix du loup nous a permis d’échanger sur le concept d’identité et d’altérité ainsi que sur le sens des images symboliques. Que représente le loup ? Du moment où le masque est fini, est-ce que je vais m’identifier avec l’animal sauvage ou vais-je le regarder de l’extérieur ? C’est pour cela que nous avons invité les enfants à dessiner sur un petit bout de papier ce qu’ils imaginaient être dans la tête de l’animal. Parfois c’était des désirs de l’enfant, parfois ces désirs se mélangeaient à ceux du loup. Plusieurs élèves ont voulu représenter le besoin de liberté. Le loup était-il prisonnier de lui-même ? Pourquoi cette nécessité de liberté ? Nous avons cherché qu’est-ce qui symboliquement et synthétiquement pouvait représenter ce concept. Voilà pourquoi nous avons eu plusieurs dessins qui ont été collés dans les têtes de leurs loups, représentant des cages ouvertes… Les élèves de la classe de Madame Lanzalavi ont pu encore une fois confirmer à mes yeux combien les enfants sont capables de m’étonner et aller bien au delà de mes attentes, pour l’épaisseur de leurs pensées, leur enthousiasme, leur confiance envers la vie, leur ténacité, leur capacité de concentration et surtout leur générosité envers nous, les adultes, qui pouvons tant apprendre de cet univers si vaste et profond qu’est l’enfance. Je garde dans mon cœur le souvenir de cette classe immergée dans le vert du jardin, comme d’un lieu de l’âme, magique et spécial, que j’ai eu l’honneur de partager avec des enfants merveilleux et une maîtresse que j’aurais aimé pouvoir avoir moi aussi étant enfant. Je ne peux que les remercier tous du fond de mon cœur.

Pour voir toutes les photos du travail de préparation des ateliers en CE1/CE2 A

Pour voir toutes les photos des peintures et finitions

Pour voir les résultats finaux des ateliers d’Arts Plastiques

Pour voir toutes les photos de classe de loups dans le jardin

Pour voir tous les portraits des loups dans le jardin

Pauvre petit chaperon rouge ! »

Les deux semaines de résidence à l’école m’ont aussi donné l’occasion de travailler avec les classes de maternelle de petite et grande sections de Christelle Materazzi et Isabelle Rey.

Les deux enseignantes avaient évoqué depuis longtemps le souhait de travailler sur le concept de livre. 

Pour les petites sections, il s’agissait plutôt de leur apporter des idées nouvelles pour la réalisation de planches illustrant une histoire que la classe travaillait déjà depuis plusieurs semaines. Le thème était celui des légumes. Nous avons préparé des fonds à la peinture en travaillant l’horizontalité du geste. Quel étonnement a été pour moi de voir combien les enfants étaient réceptifs à mes indications. Quelle capacité d’écoute et de concentration pour des enfants de 3-4 ans ! Après avoir réalisé les fonds, nous avons travaillé l’impression, d’abord avec des silhouettes de légumes que j’avais préalablement découpé dans des pommes de terre et ensuite en imprimant directement des sections de vrais légumes. C’était touchant de voir combien le travail de Madame Materazzi avait si bien préparé ses si jeunes élèves à recevoir mes indications. Quel beau dévouement celui de cette maîtresse, concret et bienveillant, rassurant et ouvert.

Pour découvrir toutes les photos des ateliers de PS 

Dans la classe de Madame Rey, nous avons décidé de travailler plutôt sur le parcours de réalisation pratique d’un livre. C’est pour cela que j’ai porté en classe des films de rhodoïd typographiques pour montrer aux enfants le processus d’impression en quadrichromie (un film pour chacune des quatre couleurs). Je leur ai montré également des livres en phase d’assemblage. Nous avons ensuite utilisé avec Madame Rey une feuille format raisin sur laquelle nous avons positionné les différentes pages du livre selon le sens et l’orientation du pliage final qui était en multiples de 4, selon les règles d’impression typographiques. Un abécédaire lié aux contes a ont illustrés par les enfants (chacun a eu sa propre lettre). Les enfants ont utilisé la technique des pastels secs et de la gouache. Le résultat final était stupéfiant. 

Pour découvrir toutes les photos de l’atelier de GS 

Dans la classe de Madame Rey, petite, j’avais appris à écrire avec ma maîtresse de l’époque, Madame Piantieri. Que de beaux souvenirs et quel bonheur de voir cet espace revivre avec une maîtresse si bienveillante, patiente et dévouée à ses élèves. Quel bonheur de retrouver une classe si attentive, curieuse, motivée et enthousiaste.

Je m’aperçois qu’en écrivant tout cela je risque de devenir répétitive et je le suis en fait, car toute cette expérience n’a fait que me confirmer l’exceptionnalité de cette école, de tout le corps enseignant, de la bienveillance de toute l’équipe dans la gestion et dans l’accompagnement des activités, de la grande disponibilité et générosité de la Directrice qui venait régulièrement dans les classes pour voir et partager l’émotion de nos découvertes et de nos accomplissements. 

Cette école a changé ma vie parce que j’ai pu apprendre la langue française et sa culture, parce qu’elle m’a ouvert les portes d’une autre mentalité, parce que j’ai pu côtoyer l’art. Elle m’a aussi offert des amitiés qui demeurent aujourd’hui les plus fortes de ma vie. 

Je ne peux que remercier encore une fois la Directrice pour m’avoir donné cette belle opportunité d’échange et de partage avec le présent (et le passé), les maîtresses pour m’avoir accueillie si généreusement, l’équipe pour nous avoir aidés tous, l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger pour son soutien. Je remercie aussi le temps qui nous a permis de vivre cette belle expérience juste avant ce moment de confinement qui est pour tous si difficile. Je remercie également les enfants pour lesquels tous les mots utilisés dans cet écrit me semblent encore bien insuffisants pour exprimer le bien que j’en ai gardé. 

Chers parents, mon dernier merci est pour vous, qui faites confiance à l’école et à l’institution, et je peux vous dire que votre confiance est bien placée et que vous donnez à vos enfants une grande opportunité.

Merci

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